Encadrement réglementaire des études médicales : protocoles MR-003 et MR-004
Encadrement réglementaire des études médicales : protocoles MR-003 et MR-004

Encadrement réglementaire des études médicales : protocoles MR-003 et MR-004

Dans le cadre de leur formation ou de leur exercice, les étudiants en médecine (notamment les internes) ainsi que les docteurs en poste peuvent être amenés à réaliser des études médicales impliquant des données de santé. Ces études sont soumises à un encadrement réglementaire strict, particulièrement depuis l’entrée en vigueur du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) et la loi Informatique et Libertés modifiée.

SOURCE ASSOCIATION DES INTERNES DE SANTE PUBLIQUE DE BORDEAUX 

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a défini plusieurs méthodologies de référence (MR) permettant, sous certaines conditions, de réaliser des traitements de données sans demander une autorisation spécifique, à condition de s’y conformer strictement.

Deux d’entre elles sont particulièrement pertinentes dans le cas des études menées par des internes ou des jeunes médecins :

1. Études rétrospectives non interventionnelles – Protocole MR-004

La MR-004 s’applique aux recherches n’impliquant pas la personne humaine (RIPH), en particulier les études rétrospectives utilisant des données de soins courants. Ce cadre est très utilisé par les internes ou les médecins pour des études de dossiers patients réalisées dans un cadre de thèse, mémoire ou publication scientifique.

SOURCE CNIL

Conditions d’utilisation :

  • L’étude ne doit impliquer aucune intervention sur les patients (pas de modification du traitement, pas d’interrogation active, pas de prélèvement spécifique).

  • Les données utilisées doivent provenir des dossiers médicaux existants (informatisés ou papiers).

  • Les patients doivent être informés de l’étude (affichage, note d’information), avec possibilité d’exercer leur droit d’opposition.

  • Une déclaration de conformité à la MR-004 doit être faite dans le registre des traitements de l’établissement (via le DPO).

  • Aucune demande d’autorisation à la CNIL n’est nécessaire si la MR est strictement respectée.

Utilisateurs possibles :

  • Internes de médecine (dans le cadre d’une thèse, d’un mémoire, ou d’un DU).

  • Médecins thésés menant des études en autonomie.

  • Toute personne autorisée par le responsable de traitement (souvent le CHU ou l’hôpital support).

2. Recherches sur données de santé à des fins d’évaluation ou d’amélioration des soins – Protocole MR-003

La MR-003 concerne les études observationnelles visant à évaluer les pratiques de soins, l’organisation des soins, la qualité ou la sécurité des prises en charge.

SOURCE CNIL

Il peut s’agir d’audits, d’études de parcours de soins, ou d’évaluation d’indicateurs cliniques.

Conditions d’utilisation :

  • La recherche doit avoir pour finalité une amélioration des pratiques ou de la qualité des soins, sans objectif commercial ou promotionnel.

  • Elle peut impliquer des données pseudonymisées ou directement identifiantes (avec information adéquate).

  • Elle s’inscrit en dehors du champ des RIPH, mais nécessite une gestion rigoureuse des droits des patients.

  • Les patients doivent être informés individuellement ou collectivement, avec droit d’opposition.

  • Une inscription dans le registre du DPO de l’établissement est obligatoire.

Utilisateurs possibles :

  • Médecins thésés participant à des démarches qualité.

  • Internes encadrés par un praticien référent, dans le cadre de stages de management, qualité, ou de mémoire de DESC.

  • Médecins hospitaliers ou universitaires souhaitant évaluer leur propre activité clinique.

3. Autres situations réglementées

a) Études RIPH (Recherches Impliquant la Personne Humaine)

Si l’étude implique une intervention sur le patient (questionnaire, entretien, modification de traitement, recueil biologique…), elle relève du cadre RIPH (loi Jardé) :

  • RIPH 1 : Interventions non justifiées par la prise en charge.

  • RIPH 2 : Interventions à risque minime (type questionnaires).

  • RIPH 3 : Études observationnelles avec consentement présumé.

Cela nécessite obligatoirement un avis du CPP (Comité de Protection des Personnes) et éventuellement une autorisation de la CNIL.

b) Recherches en santé publique ou statistiques (MR-005)

Applicable aux études de santé publique avec objectifs épidémiologiques, économiques ou sociaux. Moins utilisé par les internes sauf dans les services de santé publique.

Bonnes pratiques et responsabilités

Même lorsqu’un étudiant ou médecin entre dans le cadre d’une MR :

  • Il doit obtenir l’accord du responsable de traitement (le chef d’établissement ou le DPO).

  • Une note d’information patient est obligatoire (par exemple, affichée dans le service).

  • Le traitement des données doit être limité, sécurisé et tracé (pas d’accès libre, usage professionnel uniquement).

  • Toute étude doit être documentée (fiche projet, protocole, objectif, bases juridiques…).

Conclusion

Les internes et médecins jeunes diplômés peuvent réaliser des études médicales dans un cadre réglementaire sécurisé, sans passer par un CPP ni obtenir d’autorisation CNIL si leur étude respecte les référentiels MR-003 ou MR-004. Le respect de ces méthodologies permet de protéger les données des patients tout en facilitant la production de connaissances dans le cadre de la formation ou de l’amélioration des pratiques cliniques.

Pour tout projet d’étude, il est recommandé de contacter le DPO (délégué à la protection des données) de l’établissement et de s’assurer du soutien d’un encadrant médical ou universitaire.

Comparons MR-003 et MR-004

Critères MR-003 – Études à finalité d’évaluation ou d’amélioration des soins MR-004 – Études rétrospectives sur données de soins courants
Nature de l’étude Études non interventionnelles, visant à évaluer les pratiques, la qualité ou l’organisation des soins. Études non interventionnelles, portant sur des données existantes issues des soins courants.
Champ juridique Études hors RIPH (non soumises à la loi Jardé), mais relevant du RGPD. Études hors RIPH, n’impliquant pas la personne humaine, ni collecte active de données.
Données concernées Données de santé pseudonymisées ou identifiantes, issues de l’activité de soins. Données déjà existantes dans les dossiers médicaux (papier ou numériques), sans contact avec les patients.
Finalité de l’étude Amélioration des soins, évaluation de pratiques (non commerciale). Étude à vocation scientifique ou médicale (ex. : thèse, mémoire, publication), sans intervention.
Intervention sur le patient Aucune intervention directe sur le patient. Aucune collecte directe, ni contact avec le patient.
Information patient Information obligatoire (par tout moyen : affiches, note d’information, site web).

✅ Le droit d’opposition doit être effectif et accessible.

Information obligatoire (ex. : affichage dans le service, note).

✅ Le droit d’opposition des patients est obligatoire.

Droit d’opposition des patients Obligatoire. Le patient peut refuser que ses données soient utilisées. Ce droit doit être clairement mentionné. Obligatoire. Les patients doivent pouvoir exercer facilement leur droit d’opposition, sans justification.
Encadrement administratif Inscription au registre du DPO (Délégué à la protection des données) de l’établissement.

Conformité à la MR-003 doit être vérifiée.

Inscription obligatoire au registre du DPO.

✅ Le protocole doit respecter strictement la MR-004.

Autorisation CNIL Non requise, si la méthodologie est strictement respectée. Non requise, si la MR-004 est suivie à la lettre.
Avis d’un Comité d’éthique ou CPP ❌ Non obligatoire, mais souvent recommandé pour publication ou valorisation scientifique. ❌ Non obligatoire, sauf si les résultats doivent être publiés dans une revue exigeant un avis éthique.
Utilisateurs typiques – Médecins thésés

– Internes encadrés dans le cadre de démarches qualité

– Équipes hospitalières ou DQG

– Internes (thèse, mémoire, article)

– Médecins hospitaliers

– Études de dossiers uniquement

En résumé : ce qu’il faut absolument retenir

  • Aucune de ces méthodologies ne permet d’interroger ou de modifier le parcours du patient : elles portent uniquement sur les données existantes.

  • Le droit d’opposition du patient est un impératif commun aux deux cadres : il est obligatoire, et les modalités doivent être claires, traçables et effectives.

  • Une inscription au registre du DPO est obligatoire dans les deux cas.

  • L’information patient est un pré-requis réglementaire majeur, que l’étude soit réalisée par un interne, un médecin thésé, ou tout autre professionnel de santé.

  • Aucune autorisation CNIL ni avis CPP n’est requis si et seulement si la méthodologie choisie est respectée intégralement.

Conseils pratiques

  • Avant de commencer votre étude : valider votre protocole avec votre tuteur ou encadrant, et contacter le DPO de votre établissement pour l’inscription.

  • Prévoir une note d’information patient, adaptée à votre contexte (service hospitalier, cabinet, etc.).

  • S’assurer que les données sont pseudonymisées ou sécurisées, et accessibles uniquement aux personnes habilitées.

Réaliser une étude sur données de santé : mode d’emploi MR-003 / MR-004 : ci après un document pour vous aider à comprendre

Études médicales rétrospectives choisir entre MR-003 et MR-004 – Guide pratique pour les internes et jeunes médecins